L’heure

Ma dernière visite à Bruno. C’était en juillet. Il faisait chaud. Depuis plusieurs mois, Bruno était malade. Bruno avait un cancer. Un cancer avait Bruno.
Nous nous étions téléphoné plusieurs fois. Je l’avais écouté. Son angoisse n’avait plus d’espace et en cherchait pour se reposer. Une après-midi, j'ai laissé Andernos pour son appartement de la banlieue bordelaise.
Accueillir la voix de mon cousin, au sortir de sa gorge. Une heure de parole, que j’entrecoupais de mots brefs, pour lui donner raison. Je voulais lui dire adieu, dire une dernière fois nos enfances croisées, nos vies liées par un fil invisible, altéré, mais toujours là. J'écoutais cet étrange espoir de ceux qui meurent jeunes. Leur lucidité masquée. Le poids insupportable de la vie réduite, presque enfuie, mais toujours là.
La maladie dévore l’identité en même temps que le corps. La voix était là, mais le corps était autre.
C’est par la voix de Bruno que j’ai passé une heure avec lui.

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Les élans