L’or de l’aube
Sous les ors d’une aube sûre d’elle, j’ai quitté la chambre aux rideaux légers, leurs ourlets caressant le sol, foulé les pierres usées de la terrasse puis traversé l’herbe fraîche, les pieds mouillés par la rosée.
La nuit, la veille, a nettoyé le jour, l’a replié, rangé comme à son habitude puis…oublié, ressorti des tiroirs plus tard, penaude de cet oubli.
La nuit qui s’est multipliée, nous laissant absents endormis rêveurs et bienheureux, nous pousse un peu hors du lit, inquiète des conséquences, attentive aux signes, aux différences.
Mais elle ne voit rien. Il n’y a que l’or de l’aube, l’air qui vibre et moi qui quitte la maison.
J’ai conscience, c’est-à-dire, je le sais sans m’être rendu compte, mon corps me dit la nouvelle énergie du monde, la plus faible vitesse de libération, la légèreté et le sérieux qui s’est emparé de tout. La nuit l’a mesuré, enfin, mais ne dit rien, elle veut donner sa chance à l’inconscience.
Je vais droit vers les bois, je trouve les chemins cachés parmi les plus anciens manguiers, le noisetier, le jasmin qui recouvre la vanille. Derrière le bois de flûtes des sureaux, après la roquette sauvage sous l’ombre du tamarinier, se déploie, cerclée de flamboyants débordés d’éclats carmins, une clairière de thym rampant, de lavandes charnues et de rochers immobiles, happés par la nouvelle intensité de leurs révolutions et surpris de l’ombre des agaves, absentes pourtant hier, qui leur soustraient les premiers rayons de la journée.
L’animale est là. La peau bleue nuit parcourue d’étoiles filantes, marquées des plis des draps lactés, des odeurs végétales imprimées sur son chemin. On se dit les choses interdites jusqu’alors, les phrases nouvelles évidentes maintenant. Les gestes qui inventent le monde.
Les étoiles reviennent couronner le renouveau et la lune fait remonter la terre au plus proche d’elle. Sous la cabane de terre crue, nous attendons le jour suivant.